Reconstituée
à partir de la harpe irlandaise, la harpe celtique a pris une
place importante dans la nouvelle musique bretonne.
En
faisant résonner pour la première fois en 1953, la harpe que venait
de fabriquer son père, Jord COCHEVELOU, celui qui allait devenir
l'une des figures emblématiques du renouveau de la musique bretonne,
Alan STIVELL, renouait avec une tradition qui n'avait plus cours
en Bretagne depuis des siècles.
Très
vite, quelques musiciens, notamment à Paris, se lancent avec enthousiasme
dans l'aventure de cette renaissance. Mariannig LARC'HANTEC
fait partie de ce groupe de pionniers. Dès le début des années
soixante, elle joue de la harpe aux côtés, entre autres de Kristen NOGUES,
au sein de "Telenn Bleimor". Elle entreprend également
d'étudier la harpe classique à l'Ecole Normale de Musique de Paris
à la classe de Micheline KAHN. Cette formation académique lui
apporte un nouvel éclairage et lui permet de saisir la logique
de la composition des mélodies bretonnes hors du champ de la musique
traditionnelle. Elle lui ouvre également de nouvelles perspectives
sur des techniques instrumentales plus sophistiquées qui, mises
au service d'un répertoire ancestral, lui permettront de dessiner
de nouvelles voies pour la musique bretonne.
Cette
musique a bercé son enfance et nourri son imaginaire. La majorité
des thèmes qu'elle interprète lui ont été directement transmis
par sa famille, une partie étant originaire du Léon, l'autre se
partageant entre le Vannetais et le Pays Plinn.
Mais,
si elle en joue et s'en inspire, elle n'hésite pas à s'en libérer.
Sa créativité qui prend racine dans son amour de la harpe, l'amène
à explorer toutes les facettes de son instrument ainsi qu'à en
élargir constamment le répertoire. Son grand souhait étant bien
sûr que l'on reconnaisse à la harpe celtique, un statut d'instrument
de musique à part entière car celle-ci est bien plus que l'instrument
d'une seule musique.
Pour
la faire connaître, elle déploie une activité inlassable. Elle
fait partager sa passion à des milliers d'auditeurs en collaborant
à l'édition d'une bonne vingtaine de disques et en donnant des
centaines de concerts en solo, en groupe ou au sein d'orchestres.
Elle fait également sonner sa harpe aux quatre coins du monde
avec le groupe Hirio, ambassadeur du Festival Interceltique de
Lorient ou en accompagnant le conteur Alain LE GOFF ou le
poète Yvon LE MEN dans leurs spectacles, comme elle l'avait fait
auparavant avec Per Jakez HELIAS.
Ses
talents de musicienne lui ont valu de nombreuses distinctions,
notamment un premier prix international de harpe celtique à Killarney,
le Prix Morvan Lebesque, le prix de l'Arcodam de Bretagne, le
prix de la Sacem, le Triskell d'Or au Festival de Cornouaille
ainsi qu'à deux reprises le premier prix du concours international
de composition de Dinan. En duo avec l'accordéoniste Yann DOUR,
elle a également reçu le premier prix de recherche musicale en
musique traditionnelle au Festival Interceltique de Lorient.
Mais
c'est dans le domaine de l'enseignement qu'elle a joué un rôle
encore plus prépondérant. Depuis 1972, elle a été une des pièces
maîtresses de son organisation. Elle a édifié pierre à pierre,
un cursus spécifiquement adapté à un instrument qui relève à la
fois de la musique traditionnelle et du domaine plus structuré
de la musique classique, tout en créant à travers toute la Bretagne,
plusieurs classes où des centaines de jeunes harpistes ont pu
bénéficier de son enseignement. Attachée à permettre l'éclosion
de nouveaux talents, elle a plus tard encouragé les meilleurs
de ses élèves à se produire en public. Ils contribuent maintenant
à enrichir le dynamisme et la vitalité de la scène musicale bretonne.
Elle a également un rôle déterminant dans l'organisation des concours.
Elle est à l'origine du concours de harpe au Kan ar Bobl ainsi
que du Concours International qui avait été créé au sein du Festival
Interceltique.
Mariannig
LARC'HANTEC est actuellement professeur de harpe celtique à l'Ecole
Nationale de Musique de Lorient où elle s'attache à toujours former
de nouveaux musiciens et à assurer la relève. Dans ce but elle
a mis au point une méthode et du matériel pédagogique pour faciliter
l'apprentissage de cet instrument.
Avec
elle, les jeunes harpistes n'acquièrent pas seulement des connaissances
techniques mais un état d'esprit. Ils apprennent que la musique
bretonne n'est pas figée et prennent notamment conscience qu'ils
pourront à leur tour la remodeler et la réinterpréter en fonction
de leurs aspirations et des défis que l'avenir ne manquera pas
de leur lancer. Sans doute est-ce le meilleur moyen de comprendre
que l'identité culturelle n'est jamais donnée une fois pour toutes
mais qu'il faut sans cesse mettre sa créativité à contribution
pour la reconstruire ?
Son
nouvel album, "CHALL
HA DICHALL",
longuement mûri
et façonné comme une pièce d'orfèvre nous permet de découvrir
l'itinéraire passionnant et profondément réfléchi de l'une des
meilleures musiciennes de Bretagne qui avec patience et discrétion
a toujours cédé le devant de la scène à une harpe qu'elle aime
par-dessus tout.
Catherine
PHLIPPONNEAU
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